Comment le confinement spatial régule la prolifération des cellules

Résultat scientifique Bioingénierie

Dans des espaces confinés, les cellules modulent leur prolifération grâce à des mécanismes méconnus. En étudiant des cellules de levure de boulanger, des scientifiques ont découvert qu’une augmentation de l’encombrement dans celles-ci est liée à une diminution de la production de protéines . Publiés dans Nature Physics, ces travaux présentent de nouvelles pistes pour l’étude de tumeurs solides, qui sont justement confinées dans des organes.

Tant que les conditions sont bonnes, les cellules se multiplient. Mais que se passe-t-il quand elles prolifèrent dans des espaces confinés ? Loin d’être anecdotique, ce cas de figure se retrouve dans la pousse souterraine des racines des plantes et dans le développement de tumeurs solides dans des organes. Ces environnements restreints et contraints sont malheureusement difficiles à étudier alors que différents phénomènes s’y produisent, comme l’apparition de forces mécaniques assez puissantes pour qu’un arbre puisse percer une dalle de béton avec ses racines, ou le fait que la prolifération cellulaire diminue, sans que l’on sache comment. Des chercheurs et chercheuses du Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes du CNRS (LAAS-CNRS), du Toulouse biotechnology institute, bio & chemical engineering (TBI, CNRS/INRAE/INSA Toulouse) et de l’université de New York (États-Unis) ont découvert l’existence d’une rétroaction physique : un encombrement de l’intérieur des cellules trop important réduit la production de protéines, ce qui ralentit leur prolifération.

Publiés dans Nature Physics, ces travaux reposent sur des puces microfluidiques développées pour confiner et observer des cellules de levure de boulanger, S. cerevisiae. Ces puces fonctionnent comme des cages élastiques qui alimentent les levures et mesurent les forces qu’elles développent. Des méthodes de génie génétique ont également été employées pour permettre de mesurer l’encombrement dans les cellules, en fonction de la pression qu’elles exercent. En temps normal, les cellules prolifèrent en augmentant leur masse et leur volume, ce qui permet de garder un encombrement en protéine constant. Or, sous confinement, le volume augmente plus lentement que la masse, ce qui augmente l’encombrement en protéine dans les cellules. Ici, les auteurs ont montré que l’encombrement diminue la production de protéines en limitant a priori leur diffusion, ce qui a pour effet de limiter à terme leur prolifération. Le processus ne semble pas guidé par la biochimie, mais par la physique, ce qui fait que ce mécanisme pourrait être universel. Les chercheurs et les chercheuses souhaitent d’ailleurs étendre ces travaux au-delà des levures, et notamment aux cellules des mammifères, avec l’étude de la prolifération des cellules cancéreuses en ligne de mire.

Accumulation d’une protéine fluorescente pendant sept heures pour des cellules sans pression mécanique (gauche, P=0) et sous pression mécanique (droite, P>0). Sous pression, l’accumulation de protéine est grandement ralentie. © Morgan Delarue
Accumulation d’une protéine fluorescente pendant sept heures pour des cellules sans pression mécanique (gauche, P=0) et sous pression mécanique (droite, P>0). Sous pression, l’accumulation de protéine est grandement ralentie.
© Morgan Delarue

 

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Références

Macromolecular crowding limits growth under pressure.
Baptiste Alric, Cécile Formosa-Dague, Étienne Dague, Liam J. Holt, Morgan Delarue.
Nature Physics, 2022.
https://doi.org/10.1038/s41567-022-01506-1
Article disponible sur la base d’archives ouvertes HAL

Contact

Morgan Delarue
Chargé de recherche CNRS au Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes (LAAS-CNRS)
Communication CNRS Ingénierie