Un grognement primitif à l’origine des trous de nez

Résultat scientifique Bioingénierie

La disposition générale des visages est commune à de nombreuses espèces de vertébrés. Souhaitant comprendre comme se formait le nez, un chercheur du Laboratoire matière et systèmes complexes a découvert que les trous du nez et les narines étaient façonnés suite à de fortes contractions de certains tissus de la face. Publiés dans la revue European Physical Journal E, ces travaux soulignent l’importance de phénomènes purement physiques dans le développement des embryons.

Les premiers visages sont apparus chez les animaux il y a 500 millions d’années. Cette disposition avec une bouche, des yeux, des ouïes ou oreilles et des narines a relativement peu changé depuis, tandis que de nombreuses autres parties du corps ont été radicalement modifiées au cours de l’évolution. Cela interroge sur les spécificités de la formation des visages, et notamment de leur partie centrale : le nez. Vincent Fleury, directeur de recherche au Laboratoire matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité), a montré que c’est un mécanisme physique, dû à une très forte contraction de certains tissus de la face, évoquant un grognement ou un reniflement, qui provoque l’ouverture des trous du nez au niveau des narines. Publiés dans la revue European Physical Journal E, ces travaux ont été menés sur des embryons de poulet, mais leurs conclusions dépassent largement le seul cas de cette espèce.

Chez tous les vertébrés, les embryons se développent avec la tête fléchie vers le bas, ce qui empêche de filmer convenablement les premiers stades de la formation de certaines parties du visage, telles que le nez. Vincent Fleury a inauguré une méthode où il sort les embryons de poulet de leur sac amniotique pour les installer dans une cellule en verre. Là, des rubans servent d’oreiller pour orienter la tête de manière à ce que la face soit visible pendant la suite du développement des embryons, qui n’est pas perturbé par la manipulation. Il est alors possible de filmer en haute résolution et d’analyser la formation du visage et du nez. C’est ainsi qu’a été constaté que les trous du nez proviennent d’un pli au coin de la bouche, qui suit un secteur de tissu triangulaire orthogonal à l’arc de la bouche. En se contractant, la bouche se forme et plie en même temps deux boucles en lacet, qui vont former les narines. Leur ouverture a lieu dans un second temps, sous l’effet d’une très forte contraction des deux boucles, qui s’enroulent alors sur elles-mêmes vers l’intérieur de la tête. L’implication de phénomènes répondant aux lois de la physique, plutôt que de la seule expression du génome, explique pourquoi, chez les vertébrés, la structure générale des visages a si peu changé.

Les vertébrés présentent une grande homologie des traits de la face. Les narines sont la plupart du temps en fer à cheval, il existe des canaux reliant les trous de nez à la bouche, aux yeux ou aux deux. L’arc de la bouche est perpendiculaire à l’axe des narines. © Vincent Fleury.
Les vertébrés présentent une grande homologie des traits de la face. Les narines sont la plupart du temps en fer à cheval, il existe des canaux reliant les trous de nez à la bouche, aux yeux ou aux deux. L’arc de la bouche est perpendiculaire à l’axe des narines.
© Vincent Fleury.

Références
Dynamics of early stages of nose morphogenesis.
Vincent Fleury
European Physical Journal E: Soft matter and biological physics, 2022.

https://doi.org/10.1140/epje/s10189-022-00245-8

Contact

Vincent Fleury
Directeur de recherche au CNRS, Laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité)
Communication CNRS Ingénierie