Un mécanisme fondamental des décharges lumineuses atmosphériques reproduit en laboratoire

Résultat scientifique

Les farfadets (sprites en anglais), des phénomènes lumineux transitoires qui se produisent dans la haute atmosphère, ont été observés dès la fin des années 1990. Mais leur origine est encore mal comprise. Pour élucider le mécanisme de leur formation, des chercheurs du GREMI, spécialistes des plasmas, ont créé le premier dispositif expérimental permettant de les reproduire en laboratoire. Ces résultats sont rapportés dans une Lettre publiée par Physical Review E.

À quelques dizaines de kilomètres d'altitude au-dessus des orages, des phénomènes électriques lumineux transitoires, les sprites, sont des filaments de plasma – de l'air ionisé – qui ne durent que quelques millisecondes mais peuvent s'étendre sur des kilomètres. Depuis les premières observations, à partir des années 1990, le phénomène a été modélisé, et des outils de simulation numérique permettent d'avancer des hypothèses sur les conditions de sa formation. Des simulations ont notamment montré que des sprites pouvaient se former en l'absence de particules solides chargées rendant l'air soudainement conducteur, déclenchant le passage d’un courant électrique croissant : le ''claquage'' du gaz. Mais jusqu'ici, aucune expérimentation n'a permis de valider cette hypothèse. Des chercheurs du Groupe de recherches sur l'énergétique des milieux ionisés (GREMI, CNRS/Université d'Orléans) ont comblé cette lacune en mettant au point un dispositif expérimental inédit qui recrée, à l'échelle du laboratoire, ces phénomènes lumineux naturels observés dans l'atmosphère terrestre.

À l'origine des sprites de la haute atmosphère, un phénomène d'ionisation baptisé streamer à tête double (double-headed streamer en anglais) : deux ondes d'ionisation, l'une positive et l'autre négative, qui naissent ensemble et se propagent en sens opposés. C'est ce processus que les scientifiques ont cherché à reproduire en laboratoire, à petite échelle. Avec une contrainte forte : pour s'approcher des conditions naturelles, il était impératif de ne pas utiliser d'électrodes solides, qui perturberaient l'expérience.

Le dispositif de base est constitué d'un système de jet de plasma froid (atmospheric pressure plasma jet) connecté à une simple pipette remplie d'un gaz (hélium ou néon). Cette colonne de gaz pré-ionisée fendant l’air du laboratoire dans des conditions précises, donne effectivement naissance, à la sortie de la pipette, à un streamer à tête double. Le processus peut être déclenché de manière reproductible, ce qui permet d'effectuer de nombreuses mesures par des techniques de spectroscopie optique. Les résultats ont notamment montré que la formation de streamer à tête double pouvait être initiée avec une valeur de champ électrique inférieure au champ de claquage du gaz confirmant ainsi les prédictions données par plusieurs simulations.

Plus généralement, les chercheurs en science de l'atmosphère disposent maintenant, avec ce dispositif, d'un modèle expérimental pour mieux comprendre les mécanismes mis en œuvre par ces phénomènes électriques. C'est pourquoi l'équipe du GREMI souhaite mener de nouvelles expérimentations et mesures, et mettre en place des collaborations avec des spécialistes des décharges atmosphériques.

Schéma du dispositif expérimental permettant, à partir d'un jet de plasma froid et d'une pipette Pasteur, de reproduire le phénomène élémentaire de streamer à tête double sans électrode. Ce dernier prend naissance dans un écoulement de gaz rare fendant l'air ambiant et permettant d'assurer la formation d'une colonne pré-ionisée, favorable à la création du phénomène.
© Sylvain Iséni, GREMI

Un mécanisme fondamental des décharges lumineuses atmosphériques reproduit en laboratoire

Formation d'un streamer à tête double en laboratoire.
© Sylvain Iséni, GREMI

Audiodescription

Références
Inception and growth of an electrodeless atmospheric double-headed streamer.
S. Iseni, G. B. Sretenović, V. V. Kovačević, N. Bonifaci, C. Pichard, C. Cachoncinlle, and A. Khacef.
Physical Review E, publié le 13 février 2025.
https://doi.org/10.1103/PhysRevE.111.L023202
Article consultable sur la base d’archives ouvertes HAL

Contact

Sylvain Iséni
Chargé de recherche CNRS au Groupe de recherches sur l'énergétique des milieux ionisés (GREMI, CNRS/Université d'Orléans)
Communication CNRS Ingénierie