Des capteurs piézoélectriques pour la détection du virus Chikungunya

Résultat scientifique

Une équipe de l’Institut d'électronique et des systèmes a développé un procédé de fabrication de capteurs piézoélectriques miniaturisés, constitués d'une couche mince de quartz déposée sur du silicium. Issus d'un projet mené en collaboration avec l'Institut de recherche en infectiologie de Montpellier, ces capteurs peuvent détecter des masses très faibles, comme le virus Chikungunya. Les résultats sont publiés dans la revue Advanced Functional Materials.

La pandémie de Covid-19, et l'émergence de virus qui se répandent sur de larges zones géographiques (Dengue, Chikungunya, Zika...), ont montré le besoin de dispositifs simples de détection qui aideront à contenir la contagion. Des capteurs du type MEMS ou NEMS (Micro ou Nano Electromechanical Systems), basés sur un matériau piézoélectrique, sont de bons candidats pour réaliser des diagnostics rapides et précis. Ainsi, le quartz alpha, matériau piézoélectrique dont la fréquence de résonance dépend de la masse, peut détecter de très faibles masses, par exemple celle d'un virus. Mais jusqu'ici, le développement de ce type de capteurs se heurte à l'absence de procédé pour les fabriquer à grande échelle.
Une équipe de l’Institut d'électronique et des systèmes (IES, CNRS/Université de Montpellier), en collaboration avec l'Institut de recherche en infectiologie de Montpellier (IRIM, CNRS/Université de Montpellier), a mis au point un procédé de fabrication qui permet de contrôler l'intégration épitaxiale d'une couche mince de quartz alpha sur un wafer de silicium. Une méthode compatible avec les technologies de la microélectronique, qui permet d'envisager la production de capteurs en grande série.

Pour créer un dispositif sensible à de très faibles masses, des MEMS haute fréquence ont été réalisés en déposant une très fine couche de quartz alpha, d'épaisseur comprise entre 170 et 285 nm, sur un wafer de silicium de 4 pouces de diamètre, par un procédé de spin coating (enduction centrifuge).  Le procédé, optimisé par les chercheurs, permet de contrôler la structure et l'épaisseur de la couche épitaxiée (sans défauts chimiques ou structuraux à l'interface avec le silicium). Avec la technique du spin coating, il est possible de déposer des couches minces sur des wafers de diamètre 12 pouces maximum, ce qui correspond au standard de l'industrie. En complétant ce dispositif avec une couche de reconnaissance sélective (à base d'anticorps), l'étude a montré qu'il pouvait détecter la présence du virus Chikungunya dans un liquide jusqu'à une concentration de 9 ng.ml-1 (nanogrammes par millilitre), cinq fois plus faible que celle détectée par les tests Elisa actuels. Et si la détection par un capteur MEMS est nettement moins sensible qu'avec un test PCR, elle est plus rapide, plus simple à utiliser, et pourrait être facilement déployée à moindre coût sur le terrain.

Les chercheurs ont ensuite montré la possibilité de fabriquer des résonateurs NEMS avec une transduction piézoélectrique à la fréquence intrinsèque du matériau, en réalisant une membrane de quartz alpha de 120 nm d'épaisseur entre deux électrodes en or. Ces résultats ouvrent la voie à la fabrication de biocapteurs compacts et de haute sensibilité, qui pourraient être intégrés dans des dispositifs portables.

Ces travaux innovants ont été en partie financés par l'action Mobilité interdisciplinaire immersive de la MITI du CNRS. David-Sanchez, l'un des premiers auteurs de cette publication, vient d'être récompensé par le concours national i-PhD 2025 de la BPI. La création d'une start-up est en préparation, avec l'objectif d'amener la nouvelle technologie de détecteurs à un niveau de maturation pré-industrielle.

- A gauche, des wafers de quartz épitaxié sur silicium fabriqués par l'équipe NanoChemLab de l'IES.- En bas, schéma 3D d'un résonateur piézoélectrique à base de quartz sur Si.- A droite, graphique des résultats expérimentaux de la détection in situ du virus Chikungunya à l'aide de ces résonateurs, montrant la limite de détection à 9 ng.ml-1
 © IES/NanoChemLab

Références
Wafer-Scale Integration of α-quartz Thin Films toward Super High Frequency Piezoelectric bioNEMS for Chikungunya Virus Detection.
Raissa Rathar, Sijie Ding, David Sanchez-Fuentes, Claire Jolly, Charlotte André-Arpin, Rudy Desgarceaux, Nicolas Guillaume, Gustavo Ardila, Ricardo Garcia-Bermejo, Jaume Gazquez, Sergi Plana-Ruiz, Laura Picas, and Adrian Carretero-Genevrier.
Advanced Functional Materials, publié le 16/07/2025. 
https://doi.org/10.1002/adfm.202514484
Article consultable sur la base d’archives ouvertes HAL

Contact

Adrien Carretero
Chargé de recherche CNRS à l'Institut d'électronique et des systèmes (IES, CNRS/Université de Montpellier)
Communication CNRS Ingénierie