Vue d'une coupe transversale de tronc avec un microscope qui permet de voir la structure : vaisseaux de 100 microns de diamètre et fibres de 10 microns de diamètre. © Laboratoire Navier

Comment le bois régule sa propre imbibition d'eau

Résultat scientifique Matériaux et structures

L'imbibition du bois par capillarité peut s'avérer mille fois plus lente que ce que prévoit le modèle standard. Des chercheurs du Laboratoire Navier ont montré, à l'aide d'observation par IRM et microtomographie-X, que ce phénomène est lié à la teneur en eau adsorbée dans les parois des vaisseaux du bois. Ces résultats sont publiés dans la revue Physical Review Research.

Les mécanismes de transfert d'humidité dans le bois sont à l'origine de ses propriétés hygroscopiques exceptionnelles, mais peuvent aussi être responsables de déformations ou d'altérations du matériau lors de cycles d'imbibition-séchage. Or, ces mécanismes sont encore mal compris. Ainsi, des chercheurs du Laboratoire Navier (CNRS/ENPC-Université Gustave Eiffel) ont récemment montré que l'imbibition spontanée dans le bois de feuillus s'avère mille fois plus lente que prévue par le modèle standard de l'absorption par capillarité1 .

À partir d'observations par IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) et par microtomographie-X (réalisées au Synchrotron Soleil), ils ont montré que ce phénomène est lié à des variations de la mouillabilité de la paroi interne des vaisseaux dans lesquels circule l'eau (ligne Psiché). Plus précisément, les chercheurs ont observé une forte variation de l'angle de contact2 en fonction de la teneur en eau adsorbée dans les parois des vaisseaux. Lorsque l’humidité dans les parois (sous forme d’eau « liée ») est faible, la mobilité de l'eau « libre » par capillarité est fortement ralentie. Pour les plantes, ce phénomène contribuerait à retenir l'eau au lieu de la laisser circuler rapidement à travers les vaisseaux, et donc à favoriser une adsorption d'eau lente mais complète.

Au-delà du bois, il s'agit d'un phénomène physique général, qui a été reproduit dans des hydrogels (gels de polymères réticulés remplis d’eau) dans lesquels des vaisseaux ont été creusés pour mimer la structure du bois de feuillus. Ces résultats, qui améliorent la compréhension du transport de l'eau dans les milieux poreux naturels, pourraient servir de base à la conception de matériaux bio-inspirés capables d'absorber un liquide sur une durée contrôlée, avec des applications potentielles en pharmacie et cosmétiques. Les chercheurs veulent maintenant utiliser les mêmes méthodes d'exploration pour étudier le phénomène inverse : le séchage du bois.

Ces recherches sont soutenues par le Labex MMCD.

Montée capillaire de l'eau dans un bois de feuillus saturé en eau
© Laboratoire Navier
Montée capillaire de l'eau dans un bois de feuillus saturé en eau liée (a) et dans le même bois non saturé (b). On observe dans le second cas un angle de contact "apparent" qui reflète seulement la transition de mouillabilité entre une zone de paroi sèche et une zone de paroi humide.

Références

Magnetic resonance imaging evidences of the impact of water sorption on hardwood capillary imbibition dynamics,
M. Zhou, S. Caré, D. Courtier-Murias, P. Faure, S. Rodts, P. Coussot.

Wood Science and Technology, 52, 929-955 (2018)
https://doi.org/10.1007/s00226-018-1017-y

Liquid uptake governed by water adsorption in hygroscopic plant-like materials,
M. Zhou, S. Caré, A. King, D. Courtier-Murias, S. Rodts, G. Gerber, P. Aimedieu, M. Bonnet, M. Bornert, P. Coussot.
Physical Review Research, 1, 033190 (2019)
https://doi.org/10.1103/PhysRevResearch.1.033190

  • 1Le modèle standard de Washburn est basé sur l’équilibre entre la force motrice associée au mouillage et la résistance visqueuse du liquide.
  • 2L'angle de contact entre la surface d'un solide et la surface d'une goutte de liquide caractérise le mouillage de cette surface par le liquide. Plus l'angle de contact entre un solide et un liquide est petit, plus le liquide mouille le solide.

Contact

Communication CNRS Ingénierie
Philippe Coussot
Ingénieur Général des Ponts, des Eaux et des Forêts de l’Université Gustave Eiffel, Laboratoire Navier (CNRS/École des Ponts ParisTech/Université Gustave Eiffel)