Contrôler les propriétés électroniques et thermoélectriques par des déformations d'épitaxie

Résultat scientifique Génie électrique et électronique

Des scientifiques de l'Institut des nanotechnologies de Lyon ont montré qu'en créant des déformations structurales dans des couches minces d'un semiconducteur déposées sur différents substrats, sa conductivité électrique et sa puissance thermoélectrique peuvent être contrôlées sur deux ordres de grandeur.

Certains semiconducteurs transparents ont des propriétés électroniques et thermoélectriques qui jouent un rôle clé dans le développement de dispositifs optoélectroniques et de systèmes de collecte d'énergie thermique. Des chercheurs de l'Institut des nanotechnologies de Lyon (INL, CNRS/Centrale Lyon/CPE Lyon/INSA Lyon/Univ. Claude Bernard), en étudiant des couches minces de l'oxyde La1-xSrxCrO3 (LSCO) semiconducteur transparent de type p de structure pérovskite, ont montré1 que des déformations structurales dans le matériau modifiaient largement ses caractéristiques électroniques et thermoélectriques.

Pour créer ces déformations, une mince couche (30 nanomètres) de LSCO a été déposée sur différents substrats, par une technique d'épitaxie par jet moléculaire2 . Le désaccord structural (des paramètres de réseau cristallin différents) entre la couche et le substrat introduit des déformations élastiques dans la couche déposée: avec trois substrats différents, les chercheurs ont obtenu une gamme de déformations dans le plan de +/- 2%. Les mesures effectuées ont révélé que ces déformations pouvaient faire varier la conductivité électrique sur deux ordres de grandeur. Par ailleurs, le coefficient Seebeck, qui représente la capacité du matériau à engendrer une différence de potentiel électrique en présence d'une différence de température (effet thermoélectrique), peut être ajusté jusqu'à un facteur deux, et le facteur de puissance thermoélectrique sur deux ordres de grandeur. L'étude a été menée notamment dans le cadre du projet Mito soutenu par l'ANR.

Publiés dans la revue Applied Electronic Materials, ces résultats ouvrent des pistes pour la réalisation de dispositifs de récupération de chaleur thermique qui pourraient alimenter, une fois la chaleur transformée en courant électrique, des capteurs autonomes de l’internet des objets. Sur le même principe, il est également possible de refroidir localement une puce électronique. Enfin, ces couches transparentes semiconductrices de type p sont également très intéressantes pour la réalisation de composants optoélectroniques. Les scientifiques poursuivent les recherches afin, d'une part, de mieux comprendre le mécanisme des phénomènes observés, et d'autre part de trouver d'autres matériaux « durables » susceptibles de fournir des puissances thermoélectriques plus élevées.

Conductivité électrique (σ) et coefficient Seebeck (S), mesurés dans la plan à température ambiante dans des couches minces La0.75Sr0.25CrO3 hétéroépitaxiées, tracés en fonction de la déformation dans le plan (in plane strain),  et de la contrainte associée (stress).  © INL/ACS Applied Electronic Materials
Conductivité électrique (σ) et coefficient Seebeck (S), mesurés dans la plan à température ambiante dans des couches minces La0.75Sr0.25CrO3 hétéroépitaxiées, tracés en fonction de la déformation dans le plan (in plane strain),  et de la contrainte associée (stress).
© INL/ACS Applied Electronic Materials

Références :
Giant Tuning of Electronic and Thermoelectric Properties by Epitaxial Strain in p-Type Sr-Doped LaCrO3 Transparent Thin Films

Dong Han, Rahma Moalla, Ignasi Fina, Valentina M. Giordano, Marc d’Esperonnat, Claude Botella, Geneviève Grenet, Régis Debord, Stéphane Pailhès, Guillaume Saint-Girons, et Romain Bachelet,
ACS Applied Electronic Materials (2021);
DOI: https://doi.org/10.1021/acsaelm.1c00425

  • 1En collaboration avec : • Institut de Ciencia de Materials de Barcelona (ICMAB), Barcelone, Espagne • Institut Lumière Matière (ILM), Lyon, France
  • 2L'épitaxie par jets moléculaires (MBE) permet de faire croître de manière orientée une couche cristalline sur un autre cristal.

Contact

Romain Bachelet
Chargé de recherche CNRS au sein de l’Institut des nanotechnologies de Lyon (INL, CNRS/Centrale Lyon/CPE Lyon/INSA Lyon/Univ. Claude Bernard)
Communication CNRS Ingénierie