De la soude pour améliorer la dissolution du CO₂ dans l’eau

Résultat scientifique

Quand du dioxyde de carbone est dissous dans l’eau, il forme des panaches qui agitent le milieu et permettent à davantage de CO2 de s’y dissoudre. Des chercheurs français et japonais ont montré que ces panaches sont accélérés en ajoutant de la soude dans l’eau, ce qui la rend plus basique. Parus dans la revue Physical Review Letters, ces travaux offrent les premiers modèles capables de prédire la quantité et la vitesse de la dissolution du CO2 dans l’eau, des outils essentiels pour les futures méthodes de stockage du dioxyde de carbone.

De nombreux moyens de stocker le dioxyde de carbone, ailleurs que dans l’atmosphère, sont étudiés par les scientifiques. Grâce à la dissolution convective, le CO2 se dissout partiellement dans l’eau sans qu’elle ait besoin d’être agitée par un mécanisme extérieur. Ce phénomène est dû à la formation de panaches de CO2 dissous qui, en provoquant des différences de densité dans l’eau, l’agitent d’eux-mêmes. Ces petits tourbillons ne sont cependant pas assez puissants pour répartir, dans tout le volume de l’eau, le dioxyde de carbone dissous. Il reste alors près de la surface et empêche que davantage de CO2 gazeux y pénètre. Des chercheurs de l’Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE, CNRS/Aix-Marseille Université/Centrale Méditerranée), de Géosciences Rennes (CNRS/Université Rennes) et de l’université d’agriculture et de technologie de Tokyo (Japon) ont montré que la vitesse des panaches convectifs pouvait être multipliée par dix si l’eau est rendue basique, ici par l’ajout de soude (NaOH). La dissolution du CO2 est alors à la fois plus importante et plus rapide, car cette puissante agitation permet d’éloigner de la surface le CO2 déjà dissous.

Ces travaux reposent sur le principe connu, mais jamais quantifié auparavant, qui veut que plus l’eau est basique et plus elle peut stocker de CO2. Celui-ci y forme en effet de l’acide carbonique qui, comme tout acide, se dissout mieux dans un milieu à fort pH. Les chercheurs ont étudié le phénomène en comparant, dans des tubes, la vitesse des panaches en fonction de la quantité de soude. La mesure est prise grâce à la vélocimétrie par image de particule (PIV), une technique qui fournit la vitesse d’un fluide turbulent en suivant le parcours de molécules traçantes ajoutées dedans. L’expérience est relativement simple, mais elle a été menée dans un grand nombre de configurations, ce qui a permis d’établir des modèles mathématiques dont les prédictions ont ensuite été vérifiées avec succès. Cette bonne quantification de l’effet du pH de l’eau sur la dissolution de dioxyde de carbone va permettre d’optimiser ce processus.

Ces résultats pourraient ainsi être utilisés dans de futures méthodes de séquestration du dioxyde de carbone. Les chercheurs comptent à présent étudier la dissolution du CO2 dans une eau salée et comportant des grains, comme du sable, en suspension.

De la soude pour améliorer la dissolution du CO₂ dans l’eau
Exemple de panaches de CO2 dissous dans de l’eau. Plus celle-ci est basique, et plus les panaches sont longs et rapides.
© R. Tanaka et al.

Références
Chemically enhanced convective dissolution of CO2.
R. Tanaka, C. Almarcha, Y. Nagatsu, Y. Méheust, and P. Meunier.
Phys. Rev. Lett. 132, 084002, 2024.

https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.132.084002

Contact

Patrice Meunier
Directeur de recherche CNRS à l’Institut de recherche sur les phénomènes hors équilibre (IRPHE, CNRS/Aix-Marseille Université/Centrale Méditerranée)
Communication CNRS Ingénierie