Disparition d'André Pineau

Hommage

CNRS Ingénierie a appris avec tristesse le décès d'André Pineau, membre fondateur de l'Académie des technologies et ancien directeur du Centre des matériaux à Evry.

Ingénieur Civil des Mines de Nancy, titulaire d’un doctorat en Sciences Physiques de l'Université de Nancy, André Pineau était professeur émérite à l’École nationale supérieure des Mines de Paris. Il entre à l'École des Mines de Paris en 1965, où il contribue largement à la création du Centre des Matériaux de l'École des Mines, qui est devenu l'un des plus grands du genre en Europe spécialisé dans le domaine de la physique et de la mécanique des matériaux. Il est promu professeur en 1978 et chef du département de sciences et d'ingénierie des matériaux de l'École des Mines de 1979 à 2006. Il a été responsable de l'unité de recherche en métallurgie mécanique du Centre des Matériaux, associée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de 1978 à 1994. Très tôt dans sa carrière, il développe des liens étroits à l'international, notamment au MIT, où il est deux fois professeur invité au département de science et d'ingénierie des matériaux (pendant un an en 72/73 et de nouveau pendant 6 mois en 1983) en collaboration avec les Professeurs R. Pelloux, A. Argon et F. McClintock ; avec l'Université de Kyoto en 1977 où il collabore avec le professeur I. Tamura sur les transformations de phase dans les aciers.

Spécialiste de la métallurgie physique, il a beaucoup étudié les alliages base nickel pour les applications aéronautiques. Il a ainsi montré l'importance du Niobium  pour la précipitation de la phase gamma prime. Il a aussi participé au développement des nuances pour les audes de turbine réalisées en fonderie. Celles-ci sont utilisés dans les réacteurs utilisés dans l'aviation civile.

Dans les années 80, André Pineau a concentré ses efforts de recherche sur l'étude de la rupture ; Notamment, la transition ductile, fragile,  des aciers ferritiques utilisés pour la fabrication des réacteurs nucléaires à eau sous pression (REP) ainsi que la rupture  des aciers inoxydables duplex. Il a développé « l'approche locale de la fracture », qui est désormais largement utilisée par les ingénieurs et les scientifiques du monde entier. Cette approche a largement contribué à l'amélioration de la transférabilité des résultats d'essais en laboratoire aux composants. Il a ainsi développé une approche originale mariant des observations par les moyens modernes de microscopie électronique, des essais mécaniques sophistiqués et des simulations  numériques permettant de bien connaître les conditions mécaniques exactes dans les éprouvettes d'essai. Démarche considérée comme complètement naturelle aujourd'hui.

Sa carrière scientifique a été récompensée à plusieurs reprises par des prix et distinctions prestigieuses, dont la médaille d’argent du CNRS en 1989, la médaille de la Fédération européenne de sociétés savantes en Sciences des matériaux, (FEMS) en 1997, la Grande Médaille SF2M en 1999, la médaille Irwin en 2011, attribuée par le Comité « Fatigue and fracture » de l’American Society for Testing and Materials International et la Médaille d'or d’Acta Metallurgica en 2013. Ses contributions ont également été reconnues par son adhésion à de nombreux conseils et comités consultatifs scientifiques.

Il était membre de la Société Française de Métallurgie et Matériaux (SF2M). Il a également été membre du comité de rédaction de la revue Fatigue and Fracture of Engineering Materials and Structures et rédacteur en chef du Journal of Nuclear Engineering and Design. Il a été élu vice-président de la Société européenne pour l'intégrité structurelle (ESIS) en 2002 et membre honoraire de la société Deutscher Verband für Materialforschung und –Prüfung (DVM) en Allemagne. Il a été conseiller scientifique à l'Électricité de France (EDF) en 1994, à Usinor de 1998 à 2006 et au CEA dès 1980. Il a également été expert dans de nombreuses défaillances matérielles et structurelles (cas pour les industries nucléaire, des transports, des pipelines, de l’aéronautique et de l’aérospatiale).

Il a publié plus de 300 articles de revues, cinq manuels co-écrits avec Dominique François et  notre confrère André Zaoui, co-édité et co-écrit 20 autres traitant du comportement mécanique de matériaux métalliques. André Pineau et Yves Quéré (Académie des sciences) ont animé un groupe d’experts, qui a publié « La métallurgie, science et ingénierie », rapport sur la science et la technologie (RST) de l'Académie des sciences et de l'Académie des technologies (2011), visant à alerter l'opinion et les pouvoirs publics sur le risque d'effondrement d'une science et de technologies assurant notre sécurité au quotidien et irriguant des centaines de milliers d'emplois. Cet ouvrage eut comme retombée majeure la création du Réseau National de la Métallurgie (RNM) animé par la SF2M.

Homme de transmissions, pédagogue passionné, il a marqué par son discours et son engagement celles et ceux qui l’ont côtoyé tout au long de sa carrière tant dans le monde universitaire qu’industriel et, également fortement engagé dans le développement d'activités scientifiques pratiques dans les écoles primaires.

André Pineau a été très impliqué au sein de l’Académie jusqu’à ce que la maladie l’en éloigne : membre de la commission Démographie, éducation, formation, emploi (devenu pôle EFET), membre du groupe de travail Simulation qui a donné lieu au rapport « Enquête sur les frontières de la simulation numérique. La situation en France et dans le Monde. Diagnostics et propositions » (2005), animateur de séances thématiques dont celle d’avril 2015 sur la fabrication additive…

Il était Commandeur de l’ordre des Palmes académiques.

 

Texte de Monsieur Patrick Pélata, président de l'Académie des technologies