À la découverte du SCM, un magnétomètre qui pourrait nous en apprendre un peu plus sur l’Univers

Institutionnel

L’Univers est un monde de mystères qui ne demandent qu’à être résolus. Formation des planètes, émergence de la vie, naissance du système solaire… toutes ces questions peinent à trouver des réponses claires et précises. La mission Juice, embarquant à son bord le magnétomètre à induction (SCM), a justement été pensée pour tenter de lever le voile sur toutes ces interrogations.

Elle fascine par sa taille, par les phénomènes qui s’y déroulent et par ses satellites. Mais au final, nous ne savons que peu de choses sur elle. Jupiter, la planète géante gazeuse, est au cœur d’une mission spatiale menée par l’ESA (Agence spatiale européenne), la première du genre pour l’Europe. Jupiter a été choisie pour ses caractéristiques semblables à celles de nombreuses exoplanètes qui se trouvent à plusieurs années-lumière du système solaire. Elle constitue ainsi un objet d’étude privilégié, accessible au prix de plusieurs années de voyage. Le 13 avril 2023, décollera une fusée Ariane 5 depuis Kourou pour un vol de 8 ans en direction de Jupiter. Sur place, la sonde Juice (JUpiter ICy moons Explorer) va effectuer principalement des mesures autour de trois de ses nombreuses lunes : Callisto, Europe et Ganymède. Cette dernière attire particulièrement l’attention des scientifiques, puisqu’elle contiendrait un océan liquide sous sa croûte de glace. Son étude permettra de recueillir de précieuses informations sur les conditions nécessaires à l’apparition de la vie dans de telles conditions. Ces mesures serviront aussi à mieux comprendre les phénomènes de formation et d’évolution des lunes, tout comme les interactions les liant à Jupiter. Juice se placera également en orbite autour de la géante gazeuse, afin d’en explorer l’atmosphère et la magnétosphère.

Etudier les plasmas joviens grâce au SCM

Pour mener à bien ses missions, le satellite est équipé de dix instruments de mesure, dont quatre développés par huit laboratoires1  du CNRS, sous la maîtrise d’ouvrage du CNES. Parmi eux, l’instrument RPWI « Radio & Plasma Waves Investigation », destiné à fournir des mesures électrique et magnétique et dont la contribution française est coordonnée par le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA). RPWI est composé de différents capteurs électriques comme l’antenne (RWI) ou les sondes de Langmuir (LP), d’un capteur magnétique (SCM), de récepteurs et d’un ordinateur de bord. 

Le capteur magnétique, un magnétomètre à induction tri-axiale, aussi appelé SCM pour Search-Coil Magnetometer, a été conçu par le Laboratoire de physique des plasmas (CNRS/Ecole Polytechnique/Sorbonne Université) pour étudier les fluctuations magnétiques du plasma. SCM fournira pour la première fois des mesures tridimensionnelles des fluctuations magnétiques dans la magnétosphère de Jupiter, ce qui permettra des études très novatrices sur la physique des interactions ondes-particules dans les plasmas joviens, aujourd'hui largement inexplorés.

L’instrument SCM se compose de trois senseurs magnétiques orthogonaux et d’une électronique de conditionnement. L’ensemble de ses éléments est intégré à un châssis mécanique. Les trois capteurs sont constitués d'une bobine et d’un noyau magnétique de forte perméabilité optimisé pour les basses températures. Ils sont assemblés sur une structure mécanique amagnétique en polymère, développé en collaboration avec la DT-INSU (Division Technique de l’INSU) dont le design a lui aussi été optimisé pour réduire la masse de l’instrument à moins de 800g. De la même manière, son électronique a été miniaturisée au sein d’un circuit intégré bien plus petit que les circuits conventionnels. Développé en collaboration avec le GeePs, cet ASIC (Application Specific Integrated Circuit) permet l’amplification des faibles signaux issus des fluctuations magnétiques des plasmas, notamment à basse fréquence. Ce circuit a représenté un réel défi technique en raison des contraintes liées à la localisation sur le satellite ou plutôt hors de ce dernier. En effet, SCM a été installé sur un mat déployable de plus de 10 m ce qui lui permettra de s’affranchir des perturbations de la plateforme satellite et d’offrir une qualité de mesure inédite. Mais il devra pour cela fonctionner à des températures comprises entre -180°C et +70°C et survivre à une dose cumulée de radiation de 2 Mrad. Avant d’être installé sur le satellite, SCM a subi de nombreux tests de qualification en environnement simulé pour valider son bon fonctionnement. Un modèle de rechange du SCM a également été construit par le Laboratoire de physique des plasmas. 

SCM effectuera ses premières mesures juste après le lancement lors de la phase de recette en vol puis réalisera ses premières études scientifiques durant la phase de croisière. Il faudra néanmoins s’armer de patience avant de voir SCM réaliser ses premières mesures à Jupiter. Rendez-vous donc en 2031 !

SCM
Modèle de vol du magnétomètre tri-axes Search Coil Magnetometer (SCM) de l'instrument RPWI, en fin d'assemblage.
© Laboratoire de Physique des Plasmas (CNRS/Ecole Polytechnique/Sorbonne Université)
 
  • 1Institut d’astrophysique spatiale (IAS), Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble (IPAG), Institut de recherche en astrophysique et planétologie (IRAP), Laboratoire Atmosphères et observations spatiales (LATMOS), Laboratoire d’étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (LERMA), Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (LESIA), Laboratoire de physique et chimie de l’environnement et de l’Espace (LPC2E), Laboratoire de physique des plasmas (LPP).

Contact

Alessandro Retinò
Chargé de recherche CNRS au Laboratoire de physique des plasmas (LPP, CNRS/École polytechnique/Sorbonne Université), responsable scientifique de SCM
Malik Mansour
Ingénieur de recherche CNRS au Laboratoire de physique des plasmas (LPP, CNRS/École polytechnique/Sorbonne Université), responsable technique de SCM
Communication CNRS Ingénierie