Le capillarytron : un nouveau rhéomètre pour les suspensions colloïdales concentrées

Résultat scientifique Mécanique des fluides

Comment étudier la viscosité de matériaux qui peuvent aussi bien se comporter comme des solides que comme des liquides ? À partir d’un rhéomètre standard, un appareil mesurant la déformation et l'écoulement d'un matériau sous l'application d'un cisaillement, des chercheurs de l’Institut universitaire des systèmes thermiques industriels ont développé un nouvel instrument adapté aux suspensions colloïdales, appelé le capillarytron. Publiés dans Physical Review X, ces travaux ouvrent la voie à des mesures de friction sur des particules fragiles, notamment biologiques.

Les suspensions colloïdales sont des matériaux composés de grains solides, de moins de dix microns, immergés au sein d’un liquide. Certaines, comme le béton frais ou la boue, présentent de fascinantes propriétés rhéologiques, c’est-à-dire que leur viscosité change selon la force qui est appliquée. Le cas le plus emblématique est celui des suspensions de particules d’amidon de maïs, qui, liquides au repos, deviennent soudainement solides sous un impact : on s’enfonce lorsque l’on marche dedans, mais on reste à la surface si on les traverse en courant. Les détails de ce phénomène sont cependant mal compris, notamment parce que les méthodes classiques n’y sont pas adaptées. Les approches basées sur des rhéomètres sont pensées pour des matériaux liquides, tandis que les techniques de microscopie par force atomique fonctionnent seulement sur des grains isolés, et non pour toute une suspension en plein écoulement. Des chercheurs de l’Institut universitaire des systèmes thermiques industriels (IUSTI, CNRS/Aix-Marseille université) ont mis au point un nouvel appareil, le capillarytron, pour mesurer pour la première fois les propriétés de friction des suspensions microscopiques pendant leur écoulement. Ils ont ainsi montré que, selon la force appliquée, les particules de la suspension se comportent oui ou non comme des solides frottants, ce qui explique leur caractère rhéoépaississant.

Le capillarytron a été conçu à partir d’un rhéomètre, mais, au lieu d’imposer un certain volume à l’échantillon, il utilise une plaque inférieure perméable au liquide. Elle permet de connecter la suspension à un réservoir de fluide de hauteur variable. Lorsqu’elle est soumise à un cisaillement, la suspension est alors libre de se dilater, ce qui lui évite tout blocage ou durcissement soudain. De plus, la pression entre les grains n’est pas variable, mais imposée par l’équilibre mécanique entre la hauteur de fluide et la force capillaire sur les grains au niveau de l’interface entre l’air et la suspension. Ce contrôle fin par une interface souple devrait permettre d’explorer l’écoulement de particules fragiles, telles que les particules actives ou les cellules vivantes pour les applications biomédicales.

Ces travaux ont été financés dans le cadre des projets ERC PLANTMOVE et ANR ScienceFriction.

Le capyllaritron : un nouveau rhéomètre pour les suspensions colloïdales concentrées
Schéma du Capillarytron. La pression entre les grains est contrôlée par l’équilibre mécanique entre la hauteur de fluide et la force capillaire sur les grains au niveau de l’interface air/suspension.
© Etcheverry et al.

Références
Capillary-stress controlled rheometer reveals the dual rheology of shear-thickening suspensions.
Bruno Etcheverry, Yoël Forterre & Bloen Metzger.
Physical Review X, 2023.

https://doi.org/10.1103/PhysRevX.13.011024
 

Contact

Bloen Metzger
Chargé de recherche CNRS à l’Institut universitaire des systèmes thermiques industriels (IUSTI, CNRS/Aix-Marseille Université)
Communication CNRS Ingénierie