Le séchage des suspensions de microgels se joue sur deux échelles

Résultat scientifique Matériaux et structures

Pour obtenir un revêtement, comme la peinture, le solvant doit être évaporé d’une suspension colloïdale. Ce problème associe plusieurs échelles qu’il est difficile, mais nécessaire, de distinguer pour contrôler le procédé de séchage. Des chercheurs du Laboratoire de génie chimique et de l’université d’Aachen (Allemagne) ont montré comment combiner les échelles moléculaires et colloïdales pour comprendre le séchage de suspensions de microgels. Ces travaux ouvrent des perspectives pour mieux contrôler la pose et le séchage de revêtements.

Une suspension colloïdale est constituée d’une phase solide dispersée dans une phase continue liquide. Ainsi la boue est une suspension de particules sédimentaires fines de limons et d’argile dispersées dans l’eau. La suspension colloïdale sèche si la phase liquide s’évapore, ce qui modifie la structure et les propriétés de la dispersion. En pratique, ce procédé de séchage permet d’obtenir des revêtements à partir de suspensions fluides pouvant être appliquées sur une surface, comme la peinture. Cependant, les systèmes industriels sont souvent complexes et impliquent plusieurs types de phases dispersées, pouvant aller de la petite molécule à la particule, en passant par la macromolécule. Cette juxtaposition d’échelles complique notre description du procédé de séchage et nous avons besoin de savoir comment découpler les échelles pour le maîtriser. Pour cela, deux chercheurs du Laboratoire de génie chimique (LGC, CNRS/Toulouse INP/Univ. Toulouse Paul Sabatier) et de l’université d’Aachen (Allemagne) ont étudié le séchage de suspensions de microgels, considérées comme de bons modèles d’études pour aborder ce problème multiéchelle.

Les microgels sont constitués de macromolécules, reliées par des liaisons chimiques qui leur confèrent une nature de particule, fortement gonflées d’eau, ce qui permet de fortes interactions entre le solvant et les particules. Les microgels associent donc intrinsèquement deux échelles : colloïdale et moléculaire. Afin d’étudier le rôle de chaque échelle, les scientifiques ont mesuré les gradients de concentration et de structuration par microscopie Raman et par diffusion de rayons X aux petits angles. Publiées dans la revue PNAS, ces mesures ont montré que lorsque l’on évapore l’eau, les microgels s’empilent d’abord comme des particules, processus piloté par l’échelle colloïdale, puis que cet assemblage se comprime en expulsant de l’eau, processus piloté par l’échelle moléculaire. Cette dernière étape pilote la dynamique du séchage et la fait fortement dévier des modèles classiques des suspensions colloïdales. Bien qu’en amont, ces travaux devraient permettre de mieux contrôler les procédés de séchage, notamment pour la formation de revêtements comme la peinture. Les chercheurs tentent à présent de transposer leur méthodologie à des milieux encore plus complexes.

Détail de l’expérience (en haut), de la structure des microgels (au milieu) et de l’évolution de l’échelle du contrôle du processus de séchage (en bas).
Détail de l’expérience (en haut), de la structure des microgels (au milieu) et de l’évolution de l’échelle du contrôle du processus de séchage (en bas).
© Kevin Roger

Références
How the interplay of molecular and colloidal scales controls drying of microgel dispersions.
Kevin Roger et Jérôme J. Crassous.
PNAS, 2021.

Contact

Kevin Roger
Chargé de recherche CNRS au Laboratoire de génie chimique (LGC, CNRS/Toulouse INP/Université Toulouse III - Paul Sabatier)
Communication CNRS Ingénierie