Les premières microsecondes de la coalescence d'une goutte sur la surface d'un liquide
Grâce à un nouveau modèle de simulation numérique validé par des techniques expérimentales innovantes, une équipe de scientifiques a pu étudier la phase initiale de la coalescence d'une goutte sur la surface d'un liquide avec une résolution spatiale et temporelle inégalée. Les résultats sont publiés dans la revue Physics of Fluids.
La coalescence des gouttes d'un liquide joue un rôle clé dans de nombreux procédés industriels et des applications mettant en jeu des émulsions ou des mousses, des réactions chimiques entre deux liquides, ou encore la chute de gouttes sur la surface d'un réservoir. Mais son étude expérimentale est difficile, en raison des échelles de temps et d'espace très courtes du phénomène dans sa phase initiale. La simulation numérique, en revanche, permet d'obtenir des informations inaccessibles par des techniques expérimentales. Une équipe du Laboratoire réactions et génie des procédés (LRGP, CNRS/Université de Lorraine) a développé un modèle de simulation numérique, validé par comparaison avec des résultats d'expériences, qui rend compte avec une précision inégalée des phénomènes qui se produisent quand une goutte entre en contact avec la surface d'un réservoir du même liquide.
L'étude a été menée avec un liquide newtonien (viscosité constante) – de l'eau distillée –, et deux liquides viscoélastiques (viscosité variable) – des solutions de polymères dans l'eau. Les simulations de la coalescence d'une goutte sur la surface du liquide ont été réalisées en couplant un modèle statistique de physique (méthode de Boltzmann sur réseau) avec un modèle rhéologique des fluides viscoélastiques (modèle Oldroyd-B).
Pour étudier expérimentalement la coalescence et valider le modèle de simulation, trois techniques ont été mises en œuvre. Une mesure de conductance électrique, mise au point au laboratoire, donne l'évolution de la zone de coalescence entre la goutte et la surface dès les premières microsecondes. Une caméra ultra-rapide (100 000 images/s) permet de visualiser le phénomène. Enfin, avec une technique de micro vélocimétrie par images de particules (μ-PIV) développée au laboratoire, couplée à la caméra ultra-rapide, les champs de vitesses des fluides durant la coalescence ont été analysés. Les résultats des simulations et des mesures expérimentales, obtenus avec une résolution spatiale de 5,2 μm et une résolution temporelle de 0,8 μs, sont en bon accord. Pour le fluide newtonien comme pour les fluides viscoélastiques, l'étude a mis en évidence que la largeur de coalescence, durant les premières microsecondes du phénomène, variait linéairement en fonction du temps t, puis suivait une loi en t1/2.
Ces résultats constituent une avancée significative sur le plan fondamental. À terme, ils devraient aussi permettre l'amélioration de procédés industriels, qu'il s'agisse d’augmenter la stabilité d’une émulsion en évitant la coalescence, par exemple dans l'industrie des cosmétiques, ou d’intensifier la séparation pétrole-eau en favorisant la coalescence, dans l'industrie pétrolière. Deux domaines dans lesquels le LRGP a déjà des collaborations de recherche. Une nouvelle étude est en cours pour étudier la coalescence mettant en jeu, cette fois, une phase liquide huileuse.

(a) pour un fluide viscoélastique (une solution aqueuse de polyacrylamide)
(b) pour un fluide newtonien (eau distillée)
Aux temps ultra-courts (< 1 ms), la coalescence suit la même loi d’échelle quelle que soit la nature du fluide.
© LRGP
Références
Initial coalescence between a drop and a liquid pool: A lattice Boltzmann investigation validated by experiments.
E. Collignon, Q. D. Zhang, X. Frank, and Huai Z. Li.
Physics of Fluids, publié le 5 décembre 2024.
https://doi.org/10.1063/5.0238233
Article consultable sur la base d’archives ouvertes HAL