Observer une protéine unique sans marqueur grâce à une antenne optique dans l'ultra-violet

Résultat scientifique

Un dispositif fabriqué et testé à l'Institut Fresnel est capable de mesurer la faible autofluorescence dans l'ultra-violet émise par une protéine unique, permettant ainsi de l'observer sans marqueurs externes. Une nouvelle voie prometteuse pour réaliser des études de biophysiques sur des protéines individuelles dans leur état natif.

Les marqueurs fluorescents sont très utilisés pour étudier les protéines en microscopie, en particulier pour observer le comportement d'une molécule unique. Ces marqueurs ont cependant l'inconvénient de modifier certaines propriétés de la protéine, et peuvent perturber les résultats. Pour s'en affranchir, il serait intéressant de savoir détecter la fluorescence émise naturellement dans l'ultra-violet par la plupart des protéines. Jusqu'à présent, cela restait difficile car l'émission d'une protéine unique est trop faible pour être pratiquement mesurée.

Une équipe de l'institut Fresnel (CNRS/AMU/Centrale Marseille) a trouvé un moyen de relever ce défi, en réalisant une micro antenne optique qui détecte la fluorescence dans l'ultra-violet d'une protéine unique avec une sensibilité et une résolution sans précédent. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

L'antenne est constituée d'un cône de taille micrométrique, revêtu d'une couche réfléchissante d'aluminium de 100 nm, et qui collecte la fluorescence jusqu'à des angles très élevés (85°), pour la diriger vers l'objectif du microscope. Une ouverture métallique de 65 nm est percée au fond du cône, afin d'augmenter la fluorescence et de réduire le bruit de fond.

Le nouveau dispositif a été testé sur plusieurs observations de protéines uniques avec un microscope confocal. L'équipe a ainsi réalisé la détection en temps réel de protéines uniques immobilisées et diffusantes. La dénaturation d'une protéine (son dépliement à partir de sa conformation tridimensionnelle initiale) a également pu être observée.

Ces résultats ouvrent des perspectives nouvelles pour l'expérimentation sur des protéines uniques sans marqueurs fluorescents, et dans leurs conditions natives. Des études de biophysiques utilisant la nouvelle antenne optique sont en cours à l'institut Fresnel. Les chercheurs veulent par ailleurs étendre ce principe d'antenne dans le spectre visible : réduire le temps d'observation d'un facteur 100, devrait permettre des observations inédites sur d'autres molécules. Enfin, un projet de recherche en cours d'élaboration a pour objectif de développer un procédé de fabrication de ce type d'antennes à plus grande échelle.

À gauche: Antenne optique combinant une nano-ouverture avec un microréflecteur pour détecter l'autfluorescence UV de protéines individuelles.   À droite: Trace temporelle d'autofluorescence UV : la présence de pics au-dessus du bruit de fond indique la détection de protéines uniques lorsqu'elles diffusent au travers de la nano-antenne. © CNRS, Institut Fresnel
À gauche: Antenne optique combinant une nano-ouverture avec un microréflecteur pour détecter l'autofluorescence UV de protéines individuelles.
À droite: Trace temporelle d'autofluorescence UV : la présence de pics au-dessus du bruit de fond indique la détection de protéines uniques lorsqu'elles diffusent au travers de la nano-antenne.
© CNRS, Institut Fresnel

Références :

Ultraviolet optical horn antennas for label-free detection of single proteins
A. Barulin, P. Roy, J.-B. Claude, J. Wenger
Nature Communications, 5 avril 2022
https://doi.org/10.1038/s41467-022-29546-4

Article disponible sur les bases d’archives ouvertes HAL et arXiv

 

Contact

Jérôme Wenger
Directeur de recherche au CNRS, Institut Fresnel (CNRS/Aix-Marseille Université/École Centrale Marseille)
Communication CNRS Ingénierie