Rencontre avec Oscar Cosserat, deuxième prix du jury de MT180

Événement

Oscar Cosserat a obtenu le deuxième prix du jury lors de la finale nationale 2022 du concours "Ma thèse en 180 secondes" qui s'est tenue le 31 mai à Lyon. Il est doctorant en géométrie au Laboratoire des sciences de l’ingénieur pour l’environnement de La Rochelle. A vingt-cinq ans, ce jeune mathématicien originaire de la banlieue parisienne revient avec nous sur son parcours scolaire et sa formation, jusqu’à sa participation au concours MT180.

Oscar Cosserat lors de la finale régionale de MT180La Rochelle Université - Monsieur U

Pourriez-vous décrire vos hobbies et deux objets qui vous correspondent ?

J'aime la lecture et le sport. Je fais du vélo et de l’escalade. À La Rochelle, j'aime bien faire de la voile parce que j'ai un copain qui a un bateau. J'ai toujours un carnet et un stylo sur moi parce que je note tout le temps des idées...
 

Quel collégien étiez-vous scolairement parlant ?

J'étais très bon élève. J'aimais le français, les maths, la musique et les arts plastiques aussi. J'étais dans un collège dans lequel les bons élèves n’étaient pas super bien vus alors je faisais des blagues et cela m'a permis de bien m’intégrer.
 

Racontez-nous votre parcours au lycée. Quelles option et filière avez-vous choisies ?

Mes parents ont décidé de m’inscrire en seconde générale dans un autre lycée que celui de mon secteur, un lycée privé. Ça a été un peu un choc pour moi car mon environnement a changé. Je me suis retrouvé dernier de la classe, même en maths. C'était un moment où il a fallu rebondir. En première, j'ai choisi la filière scientifique avec option maths. Je me suis réconcilié avec les maths et en terminale, j'étais dans les meilleurs de ma classe. Dans ce lycée, j'ai trouvé un contexte super favorable à l'apprentissage. Comme il était situé dans Paris alors que mon collège était en banlieue, cela m’a permis aussi de découvrir plein d'autres choses.
 

Après le baccalauréat, quelles études avez-vous entreprises ?

Après le bac, je suis allé à l'Université Paris Dauphine pour une Licence de mathématiques appliquées. Les mathématiques que j'ai apprises là-bas m’ont vraiment beaucoup plu. En troisième année, j'ai rédigé un mémoire de mathématiques avec David Gontier, un chercheur du laboratoire de Dauphine, et ça s'est super bien passé. C'est à ce moment-là que j'ai compris que de toute façon j'allais faire des maths !

En troisième année de licence, j'ai rédigé un mémoire de mathématiques avec David Gontier et ça s'est super bien passé. C'est à ce moment-là que j'ai compris que de toute façon, j'allais faire des maths !

Après ma Licence, je suis parti un an en Erasmus à Berlin en première année de Master Mathématiques. Berlin, ça a été une révélation parce le cursus universitaire est organisé différemment. Il existe un catalogue de cours et on choisit ceux que l’on veut valider, à son propre rythme. C'est beaucoup plus libre et moins formaté qu'en France. J'ai appris plein de maths que je n'aurais jamais apprises si j'étais resté en France. À mon retour, j'ai intégré un master de mathématiques fondamentales à Dauphine. Là encore, on pouvait choisir des cours ailleurs, donc je ne me suis pas privé. Plus l'année s’écoulait et plus j'ai passé de temps à Jussieu pour suivre les cours qui m’intéressaient.

Qu’est-ce qui vous amené à la recherche et quels sont selon vous, les attraits du métier de chercheur ?

Je pense que ça m'a toujours un peu intéressé mais jusqu’à l’université, je ne savais même pas que ça existait comme métier, chercheur. Dans mon apprentissage des maths, j’ai toujours voulu aller plus loin et en apprendre plus, voir ce qu'il y avait dans le chapitre d'après du livre... C’est encore un défaut aujourd'hui : quand je lis un livre de maths, je commence systématiquement par le dernier chapitre ! Donc en fait, j’ai toujours voulu être chercheur mais je ne le savais pas !

Je trouve qu’il y a deux degrés de liberté dans le métier de chercheur. Il y a celui de faire ce que l'on veut de ses journées. Mais ça, en soi, c'est la même liberté que celle des artisans ou des gens qui travaillent à leur compte. L’autre degré de liberté est un cran au-dessus : c’est une liberté de penser. Ce que l'on produit en tant que chercheur résulte de cette liberté de penser et je trouve ça vraiment très fort !

Les filles sont-elles bien représentées dans le milieu des mathématiques fondamentales ? Quelles sont leurs atouts, selon vous ?

C’est un milieu mixte mais il faut savoir en quelle proportion. Je crois qu’il y a 15 % de filles dans le milieu de la recherche et en master. Pourtant, il y a beaucoup de filles en licence de maths. Beaucoup d’entre elles s’orientent après dans les métiers de l'enseignement parce qu'elles ont peur de se lancer dans la recherche ou qu'elles ne sont pas poussées à le faire. Pourtant, il y a aucune raison à cela. Il y a plein d'exemples de femmes qui ont réussi en mathématiques fondamentales. La professeure Voisin, qui enseigne la géométrie algébrique au Collège de France, est probablement une des meilleures mathématiciennes actuelles en France. Dans l'histoire, il y a eu Emmy Noether qui était à l’université de Göttingen et qui a qui a laissé sa trace en mathématiques, ou Sophie Germain en France. Mais ce sont des exemples que l'on ne connaît pas et je pense que cela vient de notre façon de transmettre l'histoire en général.

Les femmes ont quand même une façon différente et fondamentalement intéressante de raconter la science et leurs résultats. Dans les séminaires ou les colloques, quand les hommes expliquent leur recherche, il y a parfois trop d'ego alors que quand on écoute une femme, en général je trouve ça plus honnête et plus juste.

Sur quel sujet portent vos recherches actuelles ? Il y a-t-il une application dans la vie quotidienne ?

Mon thème de recherche actuel s'appelle les intégrateurs géométriques. Un intégrateur, c'est un algorithme qui cherche une solution approchée d'une équation. C’est un sujet motivé par la physique. Quand les physiciens observent un phénomène, ils le décrivent avec une équation qui indique l'évolution de ce phénomène au cours du temps. Souvent, c'est une équation compliquée parce que la nature est compliquée et on ne sait pas la résoudre. L'invention de l'ordinateur a donné naissance à une discipline qui s'appelle l'analyse numérique. Celle-ci permet la résolution approchée de ces équations et on s'est rendu compte assez vite que prendre en compte la géométrie des équations dans le calcul des trajectoires donnait de meilleurs résultats.

Je cherche des théorèmes de géométrie qui vont permettre aux ordinateurs de prendre en compte la géométrie des équations dans leurs calculs des trajectoires approchées. Le calcul de la nature, ça a des applications universelles mais le fait que les mathématiques ne se périment pas a pour conséquence que si j’ai un article qui sort dans dix jours, il ne va pas révolutionner la société. C'est plus lent et plus fondamental que ça !

Je cherche des théorèmes de géométrie qui vont permettre aux ordinateurs de prendre en compte la géométrie des équations dans leurs calculs des trajectoires approchées.
Les lauréats et lauréates. De gauche à droite : Pierre-Damien Fougou, Anaïs Perrichet, Alphanie Midelet, Maxime Robic, Oscar Cosserat.© MT180 France universités-CNRS, David Pell

Vous avez participé au concours « Ma thèse en 180 secondes ». Pouvez-vous nous raconter cette expérience, ce qui vous a motivé pour y participer et comment vous vous y êtes préparé ?

Le théâtre et l’éloquence sont des choses qui m'intéressent depuis longtemps. À Dauphine, j’ai participé à plusieurs concours d’éloquence. Dans « Ma thèse en 180 secondes », il y a des maths et de l'éloquence. Les gens qui me connaissaient m’ont dit que je ne pouvais pas rater ça ! J’y ai même inséré un peu de poésie et d’humour. En deuxième année de thèse, c'était le bon moment pour se lancer.

Pour se préparer au concours, on a trois séances d'écriture et trois de mise en scène avec un coach. À La Rochelle où se trouve mon école doctorale, c’était avec Christian Goichon. Avant la première séance, j’avais déjà écrit mon texte. À sa lecture, Christian m’a dit : « C'est un super texte mais ce n'est pas ça qu'il faut faire ! » [rires]. Après les trois séances d’écriture, j’ai abouti à quelque chose.

Vous avez reçu le premier prix du jury de la finale régionale, puis vous avez été qualifié à Paris lors de la demi-finale nationale et enfin vous avez reçu le deuxième prix du jury de finale nationale 2022. Comment vous avez vécu ces différents moments ? Qu’est-ce que cette expérience vous a apprise ?

Pour passer de la finale régionale à la demi-finale nationale, on était seize à Bordeaux et il n’y avait que deux personnes qui passaient à Paris et je ne voyais pas très bien comment j'allais être dedans. En plus, je me suis trompé dans mon texte car je me suis aperçu que j’avais dix secondes de retard mais cela ne s'est pas vu donc c'est incroyable. C'est un super compliment pour moi parce ça réunit plein de choses que je fais depuis longtemps tout seul dans ma chambre et là, je le fais devant des gens et ça marche et ça c'est vraiment sympa !

Je me suis vu dans le journal Sud Ouest il n’y a pas longtemps. Il y a plein de gens qui suivent mon petit parcours. C'est une situation que je ne connaissais pas trop, mais les gens sont super bienveillants donc c'est ça qui fait que c'est sympa quand même.

« Ce prix me fait vraiment plaisir, le jury a apparemment jugé que j’avais bien réussi à expliquer mes travaux de mathématiques. L’expérience Ma thèse en 180 secondes a une vraie utilité, elle m’a donné une façon de diffuser mes travaux de recherches et les idées mathématiques en passant par l’histoire des sciences et par l’humour. »

Que comptez-vous faire après votre thèse ?

Je ne sais pas… j'aime bien le monde de la recherche donc je vais peut-être continuer. Raconter la science aux gens, ça me plaît beaucoup aussi.

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Contact

Oscar Cosserat
Doctorant au Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (CNRS/La Rochelle Université)
Communication CNRS Ingénierie