Un nouveau modèle pour le transport des sédiments

Résultat scientifique Mécanique des fluides

L’eau transporte des sédiments selon des mouvements difficiles à modéliser et à prédire correctement. Des chercheurs du Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels ont mobilisé différents concepts théoriques afin de proposer un modèle inédit, dont les résultats ont été validés par de nombreuses mesures en laboratoire. Publiés dans la revue Journal of Fluid Mechanics, ces travaux permettront de décrire de nombreux phénomènes, tels que le retrait du sable au pied d’une pile de pont ou son transport par les vagues à l’origine de l’érosion côtière.

Le transport de sédiments façonne nos paysages en redessinant le lit des rivières et le littoral. Sa bonne compréhension aide donc à gérer efficacement ces zones, notamment dans leurs interactions avec des infrastructures humaines. Les modèles de transport sédimentaire à grande échelle existants sont cependant empiriques : ils reposent sur des observations, sans solides supports théoriques. Ils fournissent ainsi des prédictions qui peuvent s’écarter jusqu’à plusieurs ordres de grandeur de la réalité. Des chercheurs du Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels (LEGI, CNRS/Université Grenoble Alpes) ont développé un modèle basé sur la théorie cinétique des gaz granulaires. Ses prédictions ont été validées avec succès à partir de données expérimentales.

Les chercheurs ont tout d’abord employé des simulations discrètes pour la phase granulaire, où chaque particule est modélisée individuellement, qu’ils ont couplées avec un modèle eulérien du fluide, où l’eau est considérée comme un milieu continu. Ces simulations donnent accès à la physique des interactions granulaires et ont ainsi permis de développer un nouveau modèle pour le transport sédimentaire. La phase granulaire y est représentée de façon continue. Ce modèle prend notamment en compte des phénomènes physiques tels que la friction entre les particules et les interactions avec la phase fluide, c’est-à-dire, dans la plupart des cas pratiques, l’eau de la rivière ou de la mer. Cette alliance permet de reproduire le régime de transport par saltation, où les grains n’avancent pas en ligne droite mais par de petits sauts comme dans la réalité. Le modèle a ainsi prédit avec succès le résultat d’expériences menées à l’université de Taiwan, et est compatible avec une autre branche de la modélisation granulaire, appelée rhéologie granulaire dense mu(I). Publiés dans Journal of Fluid Mechanics et mis en avant dans la rubrique Focus on Fluids, ces travaux permettent d’étudier des cas à petite échelle tels que l’affouillement, c’est-à-dire l’érosion que l’on retrouve au pied de cylindres plongés dans l’eau : piles de ponts, mâts d’éoliennes… Ce modèle apporte également une brique essentielle à SedFOAM, un modèle communautaire ouvert fondé sur la boîte à outils openFOAM, dont l’objectif est de modéliser le transport sédimentaire avec une approche physique basée sur les processus physiques.

Un nouveau modèle pour le transport des sédiments
Exemple de modélisation d’un écoulement granulaire proposée par ces travaux.
© Chassagne et al.

Références
A frictional–collisional model for bedload transport based on kinetic theory of granular flows: discrete and continuum approaches
Rémi Chassagne, Cyrille Bonamy, and Julien Chauchat.
Journal of Fluid Mechanics, 964, A27. 2023
https://doi.org/10.1017/jfm.2023.335

Contact

Rémi Chassagne
Maître de conférences à l'Université Grenoble Alpes et chercheur au Laboratoire des écoulements géophysiques et industriels (LEGI, CNRS/Université Grenoble Alpes)
Communication CNRS Ingénierie