Une source de molécules organiques nécessaires à l’apparition de la vie sur Terre

Résultat scientifique Matériaux et structures

Certaines météorites contiennent de la matière organique qui a pu participer à la mise en œuvre d’une chimie nécessaire à l’émergence de la vie sur Terre. Cette matière organique météoritique pourrait avoir un lien avec les molécules observées dans les nuages moléculaires denses, lieu de formation de notre Système solaire. Afin de mieux comprendre ce lien, des scientifiques des laboratoires PIIM, IMPMC et de l’Université technique de Munich ont simulé expérimentalement l’évolution de cette matière, depuis la formation du Système solaire jusqu’à sa transformation au sein d’astéroïdes, les corps parents des météorites. Ces travaux proposent un scénario plausible d’évolution de la matière organique tout au long de la formation du Système solaire et, par analogie, à d’autres systèmes planétaires.

Présentes dans les nuages moléculaires denses où naissent les étoiles, les glaces interstellaires sont principalement composées d’eau, de dioxyde de carbone, de monoxyde de carbone, de méthanol et d’ammoniac. Ces glaces pourraient être à l’origine de matières organiques qui auraient pu être apportées sur Terre, via des météorites appelées chondrites carbonées. Ces bouts d’astéroïdes contiennent en effet un ensemble d’éléments chimiques potentiellement nécessaires à une chimie qui a précédé, puis mené, à l’émergence de la vie sur Terre.

En simulant les différentes étapes auxquelles la glace et la matière sont confrontées depuis la formation d’un système planétaire, des chercheuses et chercheurs du laboratoire Physique des interactions ioniques et moléculaires (PIIM, CNRS/Aix-Marseille Université), de l’Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie (IMPMC, CNRS/MNHN/Sorbonne Université) et de l’Université technique de Munich (Allemagne) ont ainsi montré qu’à partir d’une glace, formée à 77 K et 10-8 mbar, contenant simplement de l’eau, du méthanol et de l’ammoniac, plusieurs milliers de molécules organiques sont formées. Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Communications.

La glace et ses trois composants de base ont été irradiés par des UV et soumis à des températures entre 77K et 300 K. Cela a abouti à la formation d’un résidu organique constitué de milliers de molécules différentes. Ce résidu est considéré comme un analogue d’une partie de la matière organique qui aurait été présente au niveau du disque protoplanétaire, avant la formation des planètes, des comètes et des astéroïdes, et qui a ainsi pu ensuite se retrouver à l’intérieur des comètes et des astéroïdes. Pour simuler l’évolution qu’aurait pu subir cette matière organique une fois incorporée au sein d’astéroïdes, le résidu analogue obtenu en laboratoire a ensuite été soumis à une altération aqueuse en milieu anoxique, c’est-à-dire qu’il a réagi avec de l’eau liquide en absence d’oxygène à 150°C. Après cent jours sous altération aqueuse, le résidu analogue a connu une telle évolution chimique qu’il ne restait plus que 2 % de sa composition originelle. Des mesures par spectrométrie de masse à haute résolution ont montré que le contenu final s’est rapproché de la matière organique identifiée au sein de la météorite de Murchison, la chondrite carbonée la mieux documentée, avec 46 % de molécules organiques en commun contre 28 % pour les analogues qui n’ont pas subi d’altération aqueuse.

Ces résultats suggèrent qu’une partie la matière organique météoritique pourrait donc être d’origine interstellaire et n’avoir que partiellement subit l’altération aqueuse dans les astéroïdes. Ces travaux prouvent que trois molécules présentes dans les zones de formation des systèmes planétaires et soumises aux processus d’altération qu’elles ont pu subir lors de la formation de notre système solaire, suffisent à former une diversité moléculaire importante, approchant celle des météorites.

L’équipe poursuit en ce moment ces expériences, mais en prenant cette fois en compte la présence de minéraux, qui sont les principaux composants des météorites, afin de voir s’ils pourraient participer à la formation des molécules organiques manquantes.

Formation et évolution de la matière organique de notre système solaire du nuage moléculaire originel jusqu’à son évolution au sein des corps parents des météorites. © V. Vinogradoff, PIIM (CNRS/AMU)
Formation et évolution de la matière organique de notre système solaire du nuage moléculaire originel jusqu’à son évolution au sein des corps parents des météorites.
© V. Vinogradoff, PIIM (CNRS/AMU)

Références
Exploring the link between molecular cloud ices and chondritic organic matter in laboratory.
G. Danger, V. Vinogradoff, M. Matzka, J-C. Viennet, L. Remusat, S. Bernard, A. Ruf, L. Le Sergeant d’Hendecourt & P. Schmitt-Kopplin.
Nature Communications volume 12, Article number: 3538 (2021)
DOI: https://doi.org/10.1038/s41467-021-23895-2

Contact

Grégoire Danger
Maître de conférences d’Aix-Marseille Université, laboratoire Physique des interactions ioniques et moléculaires (PIIM, CNRS/AMU)
Vassilissa Vinogradoff
Chargée de recherche au CNRS, laboratoire Physique des interactions ioniques et moléculaires (PIIM, CNRS/AMU)
Communication CNRS Ingénierie